Début d’un nouveau projet : du 14 au 27 avril, notre tournage a eu lieu au célèbre Centquatre-Paris (qu’on appellera le 104) car j’ai bénificié de leur programme de «résidence d’essai»; cela me permet d’avoir un espace idéal, le studio 17, pour le tournage de ce court-métrage poétique et onirique : L’artiste en son for intérieur…
Ce ne sera pas de tout repos, même si au moment des pauses on peux se prélasser quelques instants dans les transats que le 104 met à la disposition des visiteurs. Tôt le matin, tout est calme et serein dans ces grands bâtiments situés dans le 19e arrondissement et qui furent autrefois …les Pompes funèbres de Paris.
Nous voilà en train d’aménager notre studio de 90 mètres carrés…
Comme le dit en fin observateur Germain, qui, de la maison de production, observe de loin et sagement l’évolution de ma folle entreprise : «Je souhaite porter mon regard à l’intérieur du mystère (…) Et portés par les formes, les objets, les mots, les couleurs, la lumière, les spectateurs, les spectatrices trouvent le sens, un sens, leur sens à travers celui que l’artiste, consciemment ou pas, a voulu y mettre. Monde onirique, poétique, tragique, drolatique : l’âme de l’artiste se révèle par la magie du regard de la cinéaste, qui aura su la lire, la regarder, la voir… et la donner à voir.»
Un beau défi que ce tournage, comme dit le chef éclairagiste Pascal Noël, venu nous prêter main forte pour l’installation. Et ce n’est que le début! Mon amie Florence a aidé Danielle-Marie à transporter ses oeuvres – une quinzaine – que nous garderons secrètes pour le moment. Elle est curieuse elle aussi de l’évolution de ce court-métrage …que je poursuivrai chez PRIM où, là aussi on m’accorde une résidence.
Ici, c’est l’oeuvre qui nous raconte l’artiste, c’est l’oeuvre qui nous amène «dans son for intérieur»… Qui nous laisse soupçonner sa vie, ses douleurs, sa tristesse, ses peurs, sa joie… En deux mots : la mort, la vie!
Nathalie Moliavko-Vitotzky – qui a signé les images de Dans un océan d’images – s’est jointe à moi pour relever ce défi de plonger littéralement dans la matière et saisir les détails mutiples et foisonnants de ces oeuvres. Un travail d’orfèvrerie pour faire ressortir l’aspect fantasmagorique et poétique de ses oeuvres.
Danielle avait trouvé cet objet sur une plage de Bretagne en 2008 : je le retrouve maintenant incrusté dans un des ses livres détournés : L’homme de la montagne ou Une certaine image du père.
Je me rappelle alors la voix de madame Arnoux, ma professeur de littérature au secondaire, qui m’a fait apprécier les poètes et qui, de sa belle voix, nous récitait du Lamartine :
«Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer?»
Loin du documentaire qui m’est familier, du portrait d’artiste conventionnel ou du reportage sur la manière de créer un livres détourné, c’est dans la respiration même des oeuvres que nous pénétrons et que nous allons de découverte en découverte, trouvant ici et là, dans les replis d’une page ou au détour d’un objet, un changement subtil d’éclairage, un nouvel angle; et nous repartons vers un nouvel univers à explorer, fascinante invitation au voyage…
À partir d’une quinzaine d ‘oeuvres, nous pénétrons dans ce for intérieur, oubliant la sculpture au profit de cette navigation où flotte, sur les eaux, Ophélie… Nous pénétrons des mondes sous-marins et abyssaux. Il y a ces envols vers d’étranges contrées, celle du Marchand de sable, là où le sablier de Chronos nous rappelle que le temps fuit… dévoré par le temps. Ou ce Livre de contes dévoré par un lecteur passionné… Et nous revoilà partis pour autre part… Ailleurs, nous tombons, comme Alice, dans des pays inconnus…
Raphaël nous a dégotté un dolly vieux modèle! Nous aurions besoin de matériel plus adapté et plus raffiné. Mais comme on dit : on fait avec… budget oblige! Attentifs, nous captons tout ce que l’artiste inscrit dans les replis d’un livre ou dans les détails, au creux d’un os, dans la réflexion d’un morceau de miroir sans tain, d’une bille de verre, qui, tout à coup, grâce aux éclairages tout en finesse de Nathalie, révèlent des univers qui surprennent même la créatrice; elle dit avoir oublié tous ces petits riens qui ne sont pas totalement innocents… Et lorsque nous croyons avoir fait le tour d’une oeuvre, un changement d’angle, un changement d’éclairage font surgir un nouveau détail…
Un moment de pause pour un jeu de mots… jeux d’images.
L’artiste dans son for ou dans son fort intérieur ???
À vous de deviner….